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Le football l’a fait vivre, le football l’a tué

 

Jeff Astle ou plutôt le King de West Bromwich Albion est mort 18 janvier 2002, a seulement 59 ans en s’étouffant avec de la nourriture lors d’un dîner familiale célébrant le trente-quatrième anniversaire de sa fille Dawn. Ce tragique évènement fut une sorte de délivrance pour la famille Astle. L’ancien attaquant de West Brom ne reconnaissait plus les siens, et avait même oublié sa carrière de footballeur professionnel. La famille avait pris conscience que Jeff n’était plus le même, il leur posait toujours la même question : « Maman est-elle toujours en vie ? ». Malheureusement, cette maman de sept enfants était décédée seize ans auparavant. Un état de santé qui n’a cessé de dégringoler au fur et à mesure des années.

 

Bien qu'Alzheimer lui ait été diagnostiqué avant son décès, un docteur ayant examiné son cerveau, encore intact en 2014, a déclaré qu Astle souffrait en réalité d'encéphalopathie traumatique chronique (ETC), une patologie courante chez les boxeurs et les footballeurs américains. Cette maladie est causée par des chocs à la tête et des commotions cérébrales répétés. Dans le cas de Jeff, il y a peu de doute quant au fait que sa mort ait été liée aux coups de tête donnés dans un ballon de football. Le médecin légiste William Stewart qui a réalisé l’autopsie de Jeff Astle a établi un lien direct entre la maladie et la pratique du football. Les ballons utilisés à l'époque où Astle jouait étaient beaucoup plus durs qu'aujourd'hui. Ils étaient en cuir et étaient extrêmement lourds – souvent alourdis par la pluie – et cela demandait donc un effort considérable quand il s'agissait de jouer de la tête. « Mon père était footballeur comment s’est-il retrouvé avec le cerveau d’un boxeur ? Il avait 59 ans quand il est mort mais il en paraissait 159 ans. » confie Dawn Astle. Sans doute l'un des joueurs anglais avec le meilleur jeu de tête de son époque, Jeff avait une réputation à tenir, il multipliait les duels aériens. Sans qu'il le sache, ses têtes endommageaient sérieusement sa santé. La famille de l’ancien joueur a lancé la Fondation Jeff Astle le 11 avril 2015. Cette dernière est établie en mémoire de Jeff Astle, en tant qu'héritage approprié et durable à la fois pour sensibiliser aux blessures cérébrales dans toutes les formes de sport et pour offrir les services indispensables de soutien aux personnes touchées. Suite à l'autopsie du corps en 2014, Jeff Astle est devenu le premier footballeur de l’histoire à être décédé des suites d'une encéphalopathie traumatique chronique (ETC). 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En Outre-Manche, Jeff Astle n’est pas un cas isolé car bon nombre de joueurs de l'équipe d’Angleterre championne du monde en 1966 ont été atteints de démences. Parmi les neufs titulaires de la finale face à la RFA toujours en vie lors du cinquantenaire du sacre, trois d’entre eux étaient atteint d’Alzheimer : Ray Wilson mort en 2018 à 83 ans, Martin Peters mort en 2019 à 76 ans et Nobby Stiles, aujourd’hui dans un stade avancé de la maladie. De plus, Jack Charlton a entre-temps découvert des problèmes de mémoire. Pour le neuropathologiste britannique Stewart, il faudrait savoir si d'autres équipes qui ont disputé le Mondial 66 présentent des taux de démence similaire, afin de pouvoir établir un lien avéré avec le football. Selon l’expert « le problème, c'est que tout ce dont nous disposons, ce sont des anecdotes. Mais les anecdotes ne font pas la science ». Alors la génération anglaise est une anomalie statistique ou alors une victime des risques du football ? Car pays du Kick and rush, un style de jeu historiquement associé au football anglais, qui consiste à rechercher, dès que possible, un jeu direct avec de longs ballons vers l’avant, ce qui multiplie les chocs de têtes, Alan Shearer pose la question : le jeu anglais pourrait-il être dangereux ? La légende des années 1990 a inscrit un cinquième de ses 260 buts en Premier League de la tête et se dit victime de pertes de mémoire. Il avait décidé de mener son enquête dans un documentaire appelé Dementia, Football and Me diffusé par BBC One en 2017. 

 

Du côté de l’Hexagone, difficile de trouver un footballeur victime de démences, ou du moins un qui en parle. Mais il existe un cas, celui de Jean-Louis Leonetti. Milieu de terrain robuste, qui a débuté sa carrière dans les années 1950 pour la terminer en 1974, passé par l’OM, l’OGC Nice, Le Havre, Bordeaux, Angoulême, le PSG et en sélection française B. L’homme de 81 ans réside aujourd’hui en EPHAD après qu’un scanner eut indiqué une dégénérescence anormale pour son âge. L’ancien joueur de football souffre d’une forme frontale de la maladie d’Alzheimer. Sa femme Michelle, et sa fille Sandrine, ont révèle que Jean-Louis était devenu de plus en plus violent au fil du temps et qu’il avait parfois des hallucinations. « Il perdait la mémoire, ne voulait pas se doucher et frappait tout le monde. Il était devenu incontrôlable » confie sa femme. Contrairement à l’Angleterre, le seul pays dans lequel on est jusqu’à présent tenté de lever le voile sur ce tabou et les anciennes générations, les autres nations n’osent pas enquêter. Combien d’autres histoires tragiques comme celle Jean-Louis, existe-t-elle en France ?

La liste des joueurs frappés par la maladie d’Alzheimer : 

 

Nobby Stilles (né en 1942)

Manchester United, Middlesbrough, Preston, vainqueur de la coupe du monde (1966), champion d’Angleterre (1965,1967), vainqueur de la coupe d’Europe des clubs champions (1968), 28 sélections en équipe d’Angleterre.

 

 Gerd Müller (né en 1945)

Noerdingen, Bayern Munich, Ballon d’Or (1970), soulier d’Or européen (1970, 1972), vainqueur de la coupe du monde (1970), champion d’Allemagne (1969, 1972, 1973, 1974), vainqueur de la coupe d’Europe des clubs champions (1974, 1975, 1976), 62 sélections en équipe de RFA.

 

Stan Bowles (né en 1948)

Queens Park Rangers, vice-champion d’Angleterre (1976), 5 sélections en équipe d’Angleterre.

 

Martin Peters (né en 1943-2019)

West Ham, Tottenham, Norwich, vainqueur de la coupe du monde (1966), vainqueur de la coupe des coupes (1965), de la coupe de l’UEFA (1972), 67 sélections et 20 buts en équipe d’Angleterre.

 

Ray Wilson (1934-2018)

Huddersfield, Everton, vainqueur de la coupe du monde 1966, vainqueur de la FA Cup (1966), 63 sélections en équipe d’Angleterre. 

 

Dave McKay (1934-2015)

Hearts, Tottenham et Derby County, champion d’Angleterre (1961), triple vainqueur de la FA Cup (161,1962,1967), et de la coupe des coupes (1963), 22 sélections en équipé d’Écosse.

 

Nat Lofthouse (1925-2011)

Bolton, 30 buts en 33 sélections en équipe d’Angleterre.

 

Ferenc Puskas (1927-2006)

Honved, Real Madrid, champion olympique (1952), champion d’Espagne (1961,1962,1963,1964,1965), vainqueur de la coupe d’Espagne (1962), et de la coupe des champions (1959, 1960, 1966), 85 sélections en équipe de Hongrie.

 

John Charles (1931,2004)

Leeds, Juventus, Cardiff, champion d’Italie (1958, 1960,1961), vainqueur de la coupe d’Italie (1959, 1960), 34 sélections pour le pays de Galles.

 

László Kubala (1927-2002)

Barcelone, Espanyol Barcelone, Zurich, champion d’Espagne (1952,1953,1959,1960), vainqueur de la coupe d’Espagne (1951,1952,19531957,1959), 19 sélections avec l’Espagne.

 

Danny Blanchflower (1926-1993)

Tottenham, champion d’Angleterre (1961), vainqueur de la FA Cup (1961, 1962), et de la coupe des coupes (1963), 56 sélections d’Irlande du Nord.

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