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Les fédérations anglaise, écossaise et irlandaise ont annoncé l’interdiction du jeu de tête pour les entraînements des moins de 12 ans jusqu’aux catégories des moins de 18 ans, la pratique du jeu de tête sera également très encadrée. Cette mesure fait suite à une étude de l’université de Glasgow menée sur d’anciens footballeurs écossais, qui a mis en évidence que ceux-ci avaient 3,5 fois plus de chances de mourir d’une maladie neurodégénérative que la moyenne.

 

Une étude de l’université de Glasgow publiée en novembre dernier a jeté un pavé dans la mare. Celle-ci est l'une des premières à évoquer un lien direct entre la pratique du football et les risques pour la santé des joueurs. L'étude financée par l'association professionnelle de footballeurs (PFA) et la fédération anglaise (FA) de football, conclut que les anciens footballeurs vivent plus longtemps qu'une personne lambda, mais qu'ils ont par ailleurs 3,5 fois plus de risques de mourir d'une maladie neurodégénérative que la population témoin utilisée. Les chercheurs de l'Université de Glasgow ont comparé les causes de décès de 7 676 anciens joueurs de football professionnels écossais, nés entre 1900 et 1976 contre celles de 23 028 personnes ordinaires. L'étude FIELD a révélé que 1,7% des footballeurs souffraient d’une maladie neurodégénérative contre seulement 0,5% pour le reste de la population. Le docteur Willie Stewart, professeur de l'Institut de neurosciences et de psychologie de l'Université de Glasgow, a mené cette recherche : « Il s'agit de la plus grande étude à ce jour examinant dans le détail l'incidence des maladies neurodégénératives dans tous les sports, et pas seulement les footballeurs professionnels ». Dans le détail, ce dernier a précisé : « L'un des points forts de notre étude est que nous avons pu examiner en détail les taux de risques des différents types de maladies neurodégénératives. Cette analyse a révélé que le risque variait : les footballeurs ont 5 fois plus de chance d’être touchés par l'Alzheimer, environ 4 fois plus pour des maladies du motoneurone et 2 fois plus pour la maladie de Parkinson ». La corrélation entre la participation aux sports de contact et les maladies neurodégénératives a fait l'objet de débats ces dernières années. Des études post mortem ont identifié une pathologie de démence spécifique liée à l'exposition à des lésions cérébrales, connue sous le nom d'encéphalopathie traumatique chronique (ETC), dans une forte proportion de cerveaux d'anciens athlètes de sports de contact, y compris d'anciens footballeurs dans des études parallèles menées par le Dr Stewart. Cependant, jusqu'à cette étude, il n’y avait pas de preuves d'une augmentation du taux de maladies neurodégénératives chez les anciens footballeurs. Gordon Taylor, directeur général de la PFA, a déclaré à ce sujet : « Ces résultats sont d'une importance considérable pour nos membres. Il appartient désormais au monde du football de se rassembler pour aborder cette question de manière globale et unie. La recherche doit continuer de répondre à des questions plus spécifiques sur ce qui doit être fait pour identifier et réduire les facteurs de risque ». De son côté de la fédération anglaise, insiste également sur le fait d’organiser une coordination avec les autres pays : « Le monde doit reconnaître que ce n'est que le début de notre compréhension et qu'il reste de nombreuses questions auxquelles il faut répondre. Il est important que la famille du football s'unisse maintenant afin de trouver les réponses et permettre une meilleure compréhension de cette question complexe », déclarait Greg Clarke, président de l'instance. Toutefois, de nombreuses questions relatives aux nouvelles données n'ont pas de réponses à l'heure actuelle. Par exemple, l'étude FIELD n'a pas été en mesure de déterminer les causes exactes de l'augmentation des taux de démence. L'étude ne détermine pas si la cause est due aux commotions cérébrales subies par le groupe de footballeurs professionnels, à la gestion des commotions cérébrales, au style de jeu, ou à la conception du jeu et à la composition des ballons de football au fil du temps ou encore au mode de vie personnel. Pour le docteur Charlotte Cowie, chef du pôle médecine de la FA « le prochain objectif sera de répondre à des interrogations telles que : le risque pour les joueurs actuels, les risques à différents niveaux du jeu, la nature du risque pour les enfants, le risque dans d'autres sports et le risque dans le football féminin ». 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les pays qui ont interdit le jeu de têtes pour les moins de 12 ans et réguler pour ceux de 18 ans. 

 

Cependant, l’étude FIELD reste une vraie alerte. Et si rien ne prouve que l.'accumulation des têtes serait directement responsable de maladies neurodégénératives, le retentissement a eu un effet quasi immédiat en Écosse et en Angleterre. Quelques semaines après la parution de l'étude de l'université de Glasgow, les fédérations des deux pays sont devenues les

premières en Europe à interdire le jeu de tête, de l'école de foot (5 ans) jusqu'à la catégorie U12, avec une régulation jusqu’à 18 ans. Un principe de précaution censé protéger une population vulnérable : les enfants. « Aucun enfant en dessous de 18 ans ne devrait frapper le ballon de la tête au football. Les enfants en deçà de 12 ou 14 ans devraient jouer un football avec moins de contact. Je sais que c’est difficile à envisager pour beaucoup de gens, mais la science évolue. Nous changeons avec le temps. Les sociétés changent. C’est l’heure pour nous de changer certaines de nos approches », affirme Bennet Omalu neurologue ayant découvert l’Encéphalopathie traumatique chronique (ETC). Concernant l’ETC, Willie Stewart, dira : « Nos résultats suggèrent, bien que l’ETC soit répandue chez un grand nombre de patients que nous avons étudiés, dans de nombreux cas, ce n'est pas la principale pathologie motrice la démence. En d'autres termes, bien que la maladie dégénérative cérébrale associée à un traumatisme crânien soit importante chez les patients, la réalité de la démence chez les anciens footballeurs et joueurs de rugby est que la maladie est plus qu'un grave que l’ETC et plus complexe ».

 

Enfin, d’autres études ont été mené ces dernières années sur les dangers du football. Aux États-Unis, l’université d’Indiana a effectué des tests sur des équipes de football féminines, en plaçant des capteurs derrière les oreilles des joueuses afin de mesurer la force de l’impact du ballon suite à un choc tête / ballon. Les résultats ont démontré que sur une reprise de la tête d’un dégagement (situation la plus fréquente de jeu de tête au football), la force subie par la tête a été mesuré entre 50 et 100 g, soit l’équivalent d’une collision entre deux joueurs de football américain mais aussi l’équivalent d’une voiture qui frappe un mur de briques à 60 km/h. Du côté de l’université de Stirling, en Écosse, il a été démontré que les impacts répétés des ballons provoquaient des microlésions cérébrales, responsables dans les instants suivant de chocs de l’inhibition de fonction cognitive et d’une altération temporelle de la mémoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mais impossible pour l'instant d'imputer ce surplus de pathologies au jeu de tête. "Aucune étude scientifique actuellement ne nous a démontré qu’on avait un lien entre des pathologies neurologiques quel qu’ils soient (les démences, Parkinson, les maladies de Charcot…) avec le football et encore moins avec le jeu de tête. Tant qu'aucune étude n'établit de lien de cause à effet entre jeu de tête et maladies neurodégénératives, aucune interdiction ne sera prise la fédération", précise ainsi Emmanuel Orhant, directeur médical de la Fédération française de football. Pour lui, la décision prise de l’autre côté de la manche et aux Etats Unis est « juste un principe de certitudes, précautions liés aux assurances pour éviter d’être accusé d'être à l’origine de troubles dans les années à venir ». Il tient à nous rappeler que la France est à la pointe dans ce domaine en nous confirmant « que la France est le seul pays à avoir infligé des amendes lorsque la FFF constate un mauvais suivi des commotions cérébrales. Le sujet de fond n'est pas clos pour autant. La commission de l'UEFA, à laquelle le Docteur Orhant participe avec une quinzaine d'autres médecins européens, prépare une série de recommandations, attendues fin mai. Élaborées par un groupe de recherche sur les commotions et le jeu de tête, ces dispositions non contraignantes pour les Fédérations sont à ce stade au nombre de quatre. Elles consistent à utiliser des ballons de taille et de poids adaptés aux enfants, à leur transmettre les bonnes techniques du jeu de tête, à leur faire travailler la musculation du cou, et enfin à vérifier à l'issue des entraînements consacrés au jeu de tête qu'ils ne présentent aucun trouble suite à ce travail spécifique. Jean Chazal, neurochirurgien retraité du CHU de Clermont-Ferrand milite pour que la Fédération française de football contrôle le jeu de têtes sur les catégories des enfants : « Il y a des travaux dans les universités américaines, françaises et anglaises en particulier, qui montrent très bien les effets délétères de ces impacts crâniens à répétition. Encore une fois, le cerveau n'est pas construit pour subir les impacts à répétition. Il n'est pas protégé pour cela. Je milite pour que toute activité sportive, de jeu, de distraction qui comporte des risques d'impacts crâniens répétés, soit contrôlée, peut-être pas interdite, mais contrôlée et sévèrement contrôlée. Ce sont les données de la science d'aujourd'hui. » affirme-t-il. Pour lui, interdire le jeu de têtes aux enfants de moins de 12 ans est une décision qui se justifie « en raison d'une chose assez simple : l'anatomie du cerveau. Le cerveau n'est pas construit anatomiquement pour subir des impacts répétés. C'est une structure molle, viscoélastique, qui est dans une boîte rigide. Le crâne est inextensible. Le cerveau, à l'âge de 12 ans, est très loin de sa maturité. La connectivité cérébrale n'étant véritablement terminée qu'à l'âge de 25 ans » explique le neurochirurgien. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour Ali Benyahia entraîneur des U14 de Toulouse et diplômé du BEF, interdire le jeu de tête pour les enfants changerait énormément la pratique du football : « Cela sera novateur et surtout sur les phases arrêtées. Cela devrait dire un changement radical, ça obligera les joueurs et les éducateurs à trouver d'autres solutions. Jouer uniquement au sol, trouver un joueur lancé pour marquer sur une frappe par exemple. Les habitudes des pratiquants vont devoir changer. Après, comme chaque nouvelle règle en vigueur : on s'adaptera ». De son côté Yanis Lahcene, entraîneur et directeur sportif à l’USM Gagny pense qu’il « faudrait arrêter le jeu long et se contenter uniquement du sol. Cela pourrait favoriser le jeu technique et les petits gabarits ». Les deux coachs nous ont avoué lors des entretiens qu’ils n’avaient jamais échangé sur le sujet avec d’autres entraîneurs ou leur direction. Ali ne compte pas prendre des mesures particulières suite à l’étude FIELD « tant que la Fédération Française de Football ne prend pas de mesure par rapport à cette étude, je n’ai pas à le faire. Cela serait une action individuelle de ma part et pas en lien avec les règles de ce sport ». Yanis a déjà suivi une formation sur les commotions mais avec un organisme privé « on nous a expliqué les symptômes de la commotion cérébrale mais aussi ce qu'il faut faire avant de reprendre une activité sportive. Par contre, je n'ai pas le souvenir lors d'une réunion  technique à la fédération d'avoir abordé les commotions », nous confie-t-il. La FFF oblige chaque éducateur diplômé à passer le PSC1 pour rentrer en formation mais ce programme n’évoque aucun choc de tête. Une des solutions pour le directeur technique de Gagny serait de changer « la taille des ballons. Pour la catégorie des moins de 10 ans, utiliser des ballons de taille 3 (diamètre de 57 à 60 cm), alors qu’actuellement à 7 ans on est sur des ballons de taille 4 (62 à 66 cm de diamètre). Le but n’est pas d’interdire de jouer avec la tête mais d’apprendre aux enfants à le faire correctement, pour éviter toutes blessures ».

 

 

 

 

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Greg Clark, président de la fédération anglaise de football, au sujet de l'étude FIELD. Source : Vidéo de TheFA

Vidéo explicative au sujet de l'étude Field. Source : NEJM